Legal provisions of COM(2018)824 - 'dock dues' tax arrangements applied in the French outermost regions (presented by the Commission under Article 3 of Council Decision 940/2014/EU)

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COMMISSION EUROPÉENNE

Bruxelles, le 13.12.2018 COM(2018) 824 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL

relatif au régime de l’impôt « octroi de mer » appliqué dans les régions

ultrapériphériques françaises

(présenté par la Commission en application de l'article 3 de la décision du Conseil

940/2014/UE du 17 décembre 2014)

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL

relatif au régime de l’impôt « octroi de mer » appliqué dans les régions

ultrapériphériques françaises

1. CONTEXTE

Les dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui s'appliquent aux régions ultrapériphériques de l'Union, dont font partie les deux, départements et régions de La Réunion et Guadeloupe, les deux collectivités territoriales de Martinique et Guyane et le département de Mayotte (RUP françaises), n'autorisent en principe aucune différence d'imposition dans les RUP entre les produits locaux et ceux provenant de France métropolitaine ou des autres Etats membres. L'article 349 du TFUE envisage cependant la possibilité d'introduire des mesures spécifiques en faveur de ces régions en raison de l'existence de handicaps permanents qui ont une incidence sur la situation économique et sociale des régions ultrapériphériques.

L’octroi de mer constitue l’un des plus anciens impôts du système fiscal français et le plus ancien dans les RUP françaises. Cet impôt en vigueur uniquement dans les RUP françaises est applicable aux importations de biens, quelle que soit leur provenance et aux livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui exercent des activités de production1.

L’octroi de mer se compose de deux impôts distincts : l’octroi de mer en tant que tel et l’octroi de mer Régional2.

Les taux d’octroi de mer sont fixés par délibérations des conseils régionaux (en Guadeloupe et à La Réunion), des collectivités territoriales uniques (en Guyane et en Martinique) ou du Conseil départemental (à Mayotte). Ils sont fixés indépendamment pour chaque RUP françaises.

Le produit de l’octroi de mer est affecté, d’une part, aux budgets des collectivités territoriales (Communes, département, région) et, d’autre part, sous certaines conditions, à un fond régional pour le développement et l’emploi.

La décision du Conseil 940/2014/UE du 17 décembre 2014 autorise la France à prévoir, jusqu'au 31 décembre 2020, des exonérations ou des réductions de l’"octroi de mer" pour certains produits qui sont fabriqués localement. L'annexe de la décision précitée fournit la liste des produits auxquelles peuvent s'appliquer les exonérations ou les réductions d'impôt. Selon les produits, la différence d'imposition entre les produits fabriqués localement et les autres produits ne peut excéder 10, 20 ou 30 points de pourcentage.

La décision du Conseil du 17 décembre 2014 expose les raisons qui ont motivé l'adoption des mesures spécifiques: l'éloignement, la dépendance externe à l'égard des matières premières et de l'énergie, l'obligation de constituer des stocks plus importants, la faible dimension du marché local combinée à une activité exportatrice peu développée, etc. L'ensemble de ces handicaps se traduit par une augmentation des coûts de production et donc du prix de revient des produits fabriqués localement qui, en l'absence de mesures spécifiques, seraient moins compétitifs par rapport à ceux provenant de l'extérieur, même en tenant compte des frais d'acheminement vers les

1 Par production, il faut entendre la fabrication, la transformation et la rénovation d’un bien meuble corporel. Les prestations de services sont, par conséquent, situées hors du champ d’application de cette

2

Taxe additionnelle à l’octroi de mer dont le taux aujourd’hui ne peut être supérieur à 5 %

taxe.

RUP françaises. Ceci rendrait donc plus difficile le maintien d'une production locale. Les mesures spécifiques contenues dans la décision du Conseil du 17 décembre 2014 ont donc été conçues dans le but de renforcer l'industrie locale.

L'article 3 de la décision du Conseil du 17 décembre 2014 prévoit que les autorités françaises soumettent à la Commission, pour le 31 décembre 2017, un rapport relatif à l'application du régime de taxation prévu par cette décision, afin de vérifier l'incidence des mesures prises et leur contribution à la promotion ou au maintien d'activités économiques locales, compte tenu des handicaps dont souffrent les régions ultrapériphériques. Sur la base de ce rapport, la Commission soumet au Conseil un rapport comportant une analyse économique et sociale complète et, le cas échéant, une proposition visant à adapter les dispositions de la décision du 17 décembre 2014.

Les autorités françaises ont adressé le 12 février 2018 à la Commission le rapport ainsi prévu. Des rapports d’évaluation spécifiques pour chacun des RUP françaises accompagnés de demandes visant à adapter la liste des produits pouvant faire l'objet d'une taxation différenciée ont été transmis le 15 mars 2018, pour la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe, le 4 juin 2018 pour La Réunion et sans demande d’actualisation de la liste le 28 août 2018 en ce qui concerne Mayotte. Les demandes d'actualisation des listes concernent près de 90 produits. Ces demandes visent principalement à l’introduction de nouveaux produits sur les listes et au reclassement de produits existants sur une liste permettant un plus grand différentiel de taxation.

2. LES ELEMENTS PRINCIPAUX CONTENUS DANS LES RAPPORTS DESAUTORITESFRANCAISES

2.1. Le rapport du 12 février 2018

Le rapport du 12 février 2018 constitue une étude statistique macro-économique au niveau global pour l’ensemble des RUP françaises qui s’appuie sur des données agrégées sectoriellement. Il ne comporte aucune information sur les catégories de produit bénéficiant d’un différentiel de taxation.

Le rapport décrit le dispositif de l’octroi de mer et présente certains éléments de cadrage macroéconomique des RUP françaises ainsi qu’une cartographie des bénéficiaires des différentiels d’octroi de mer. Le rapport indique notamment que la production de biens réalisés par les 665 entreprises assujetties à l’octroi de mer s’élève à 5,6 milliards d’euros.

Le rapport analyse aussi des effets de l’abaissement du seuil d’assujettissement des entreprises locales à l’octroi de mer qui est passé de 550 0000 € à 300 000 € en 2014. Il considère que les effets négatifs de cette mesure sont prépondérants eu égard aux charges administratives qu’elle engendre, à la très faible augmentation des recettes fiscales et à son effet contreproductif.

Les principales conclusions du rapport sont:

a. Concernant l’impact économique du dispositif de l’octroi de mer sur le développement économique des RUP françaises, le rapport estime qu’il concerne davantage le maintien de l’emploi plutôt que la création, ainsi que le développement et la pérennisation de filières de production locales.

Le rapport souligne que les avantages fiscaux accordés dans le cadre du régime de l’octroi de mer constituent une contribution substantielle au PIB des RUP françaises. Selon les estimations réalisées, le poids total de l’octroi de mer s’élève à 3,3 % du PIB des cinq RUP françaises réunies. A ce niveau agrégé, les différences entre territoires sont trop peu significatives pour que l’on puisse en tirer des conclusions sur de réelles disparités géographiques.

b. Concernant les handicaps des RUP françaises à l’origine des surcoûts supportés par les entreprises établies dans les RUP françaises, le rapport rappelle que ceux-ci proviennent tant des caractéristiques naturelles de ces régions – leur taille, leur accessibilité et conditions climatiques – que de leur faible intégration dans leur environnement régional. Le ratio charges de personnel sur chiffre d’affaires ainsi que les achats de matières premières et les autres achats et charges externes sont identifiés dans le rapport comme les deux sources principales des surcoûts affectant les entreprises locales.

Les surcoûts supportés dans les RUP françaises ont été estimés, sur la base du ratio charges financières par euros de revenu d’exploitation à 1,8 millions d’euros supplémentaires de charges financières par entreprise, soit un total de 1,2 milliard d’euros. Cette estimation est une estimation basse puisqu’elle ne tient pas compte de l’impossibilité pour les entreprises locales de réaliser des économies d’échelle.

c. S’agissant enfin de l’impact de l’octroi de mer sur les entreprises locales, le rapport regrette l’indisponibilité des données relatives au différentiel de l’octroi de mer sur plusieurs années, rendant impossible une analyse sur l’évolution des performances des entreprises. Seule une analyse de l’impact sur les performances des entreprises au titre de l’année 2015 a été réalisée. Selon cette analyse, il n’existe aucune différence significative de chiffre d’affaires ou de rentabilité économique entre les entreprises locales bénéficiant et celles ne bénéficiant pas de différentiels d’octroi de mer. Il en résulte que l’octroi de mer remplit les objectifs qui lui ont été fixés en permettant aux entreprises locales des secteurs ciblés d’atteindre des performances similaires aux entreprises non bénéficiaires du dispositif, malgré une exposition a priori supérieure aux surcoûts liées à l’ultra périphérie. L’absence de performances supérieures pour les entreprises bénéficiaires signifie également l’absence de surcompensation.

2.2. Les rapports spécifiques des RUP françaises

Etant donné les limites du rapport du 12 février, celui-ci a été complété par des rapports spécifiques pour chaque RUP françaises. Dans ces rapports, les collectivités territoriales de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion et de Mayotte effectuent une évaluation du dispositif de l’octroi de mer. Ces rapports complémentaires présentent un panorama des évolutions socio-économiques régionales sur la période 2014-2016. Ce panorama montre d’importantes disparités entre les RUP françaises. La Réunion est la collectivité connaissant le meilleur environnement conjoncturel avec une reprise économique solide depuis 2014 (plus de 3% par an), un chômage en net recul et une faible évolution des prix. Au contraire, l’économie de la Guadeloupe et de la Guyane restent atone, avec un fort taux de chômage stable voire en hausse. En Martinique, la trajectoire est globalement positive avec notamment une embellie sur le marché du travail. A Mayotte, l’économie est rentrée dans une période d’attentisme notamment du fait des changements institutionnels intervenus (Mayotte a acquis le statut de région ultrapériphérique suite à sa départementalisation) se caractérisant par une augmentation du chômage à 27,1%.

Ce panorama fait en revanche état d’une situation similaire en ce qui concerne l’évolution des prix et le commerce extérieur. Si les prix ont peu évolué dans ces RUP françaises sur la période 2014-2016, les prix restent très nettement supérieurs à ceux observés en métropole (entre 7% et 12% selon l’indice de Fisher3)) mais cet écart a diminué dans chacun des RUP françaises par rapport à l’année 2010 (entre 12 et 14%).

3 L’indice de Fisher correspond ici à la moyenne géométrique de A (écarts de prix RUP françaises /métropole) et de l’inverse de B (écarts métropole/RUP françaises), soit la racine carrée du rapport A/B.

En ce qui concerne le commerce extérieur, il ressort de ces rapports que les RUP françaises restent très dépendants des importations qui représentent plus de 30% de leur PIB et qui sont responsables de leur important déficit commercial. Les importations (hors produits pétroliers) sont en légère hausse sur la période 2014-2016 sur l’ensemble des RUP françaises.

Concernant l’analyse de l’évolution de la production locale des produits figurant sur la liste sur la période 2014-2016, celle-ci fait état d’une situation assez contrastée puisque si la production locale a globalement progressé dans les RUP françaises à l’exception de la Guadeloupe (qui a enregistré une baisse de 6,9%), sa part de marché par rapport à la consommation totale dans les RUP françaises a plutôt baissé à l’exception de la Martinique (qui a enregistré une hausse de 9,8%)

Ces rapports fournissent également des analyses de taux et de différentiels par secteur. Elles montrent notamment que le différentiel moyen pondéré appliqué varie entre 14% (La Réunion) et 18% (Martinique et Guadeloupe) suivant les RUP françaises.

Ces rapports fournissent ensuite une analyse sectorielle des évolutions de l’économie des RUP françaises au regard des politiques de différentiel menées, et pour les collectivités de Guadeloupe et de Martinique, le détail et l’actualisation des surcoûts subis par les entreprises locales.

Enfin, les rapports des collectivités territoriales de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane et de La Réunion contiennent des justifications portant sur les demandes visant à adapter la liste des produits pouvant faire l'objet d'une taxation différenciée.

Par ailleurs, les RUP françaises regrettent la déclinaison de plus en plus fine de la nomenclature des produits de la liste (passage au niveau NC8 voire NC10) qui pose des problèmes aux entreprises pour identifier correctement leur production. Ils regrettent également l’abaissement du seuil d’assujettissement à 300 000 € qui ne s’est pas traduit pour les collectivités par une augmentation notable des recettes. Ces deux mesures ont eu pour conséquence d’alourdir les charges administratives pesant sur les entreprises. Les RUP françaises souhaiteraient la création d’un dispositif de mise à jour régulière des différentiels de taux afin de répondre au besoin de visibilité des investisseurs et d’être en mesure de s’adapter à l’évolution du marché et du tissu économique local. Ces demandes devraient être analysées lors de l’examen de la demande de renouvellement du dispositif.

Plusieurs demandes de justificatifs et explications complémentaires ont été transmises par courriel aux autorités françaises les 27 mars, 14 avril, 16 mai 2018 et 4 juillet pour apprécier les effets réels des différentiels de taxation sur l'activité des RUP françaises. Aussi il a été demandé aux autorités françaises de fournir pour chaque RUP françaises et pour chaque catégorie de produits faisant l'objet, pour le RUP françaises concerné, d'un différentiel de taxation à l'octroi de mer, d’une évaluation de l’incidence du régime en termes de maintien ou de promotion des activités locales et de conditions des échanges.

Les autorités françaises ont fourni à la Commission le détail des importations et de la production locale pour chaque produit bénéficiant d’un différentiel de taxation ainsi que diverses précisions.

3. ANALYSEDU DISPOSITIFPARLA COMMISSION

Compte tenu de la date de présentation du rapport des autorités françaises (février- mars 2018), il est difficile d'examiner, sur une longue période, l'incidence des taxations différenciées appliquées conformément à la décision du Conseil du 17 décembre 2014, d’autant que le nouveau régime n’est pas entré en application avant juillet 2015.

Par ailleurs, en ce qui concerne Mayotte, l’application récente du régime combinée au climat quasi insurrectionnel régnant sur l’île n’a pas permis aux autorités françaises de réaliser le même travail au niveau de stabilité et de fiabilité des données suffisant.

Dans la mesure où la Commission est largement tributaire des informations fournies par la France et qu'elle ne dispose pas d'autres moyens de recueillir davantage d'informations, l’analyse de la Commission est basée sur les informations reçues des autorités françaises. Les conclusions suivantes peuvent être retirées des informations fournies.

3.1.   Les handicaps des RUP françaises persistent

Dans son premier rapport, les autorités françaises reviennent sur les sources de surcoût supportées par les entreprises établies dans les RUP françaises du fait de leurs handicaps. Ces territoires font effectivement face à des handicaps majeurs liés à leur taille, leur accessibilité et les conditions climatiques qui y règnent. Ces handicaps, qui présentant un caractère structurel sont de deux catégories :

- Les handicaps exogènes comme l’éloignement, la double insularité, la faible superficie, la morphologie territoriale complexe, le climat difficile, les risques naturels élevés ;

- Les handicaps endogènes : la limitation de la présence des facteurs de production, le développement limité du capital humain, la dépendance économique vis-à-vis d’un nombre réduit d’activités, l’étroitesse des marchés intérieurs, le manque d’insertion dans l’environnement régional, les barrières à l’entrée.

Ainsi, les productions locales sont confrontées à d’importants surcoûts qui ont été identifiés et mesurés au niveau macro-économique. Il s’agit des surcoûts dus aux écart de rémunération, à l’approvisionnement et à la logistique, au surdimensionnement des équipements, à leur exploitation et à leur maintenance, à la faible taille des marchés locaux qui ne permet pas la réalisation d’économies d'échelle. Ces surcoûts concernent également la commercialisation et la distribution des produits, le foncier agricole et la construction et le financement.

Ces surcoûts se traduisent par un important déficit de la balance commerciale qui est commun à l’ensemble des RUP françaises.

Aussi, les handicaps ayant motivé le maintien du dispositif en 2014 subsistent, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes d'éventuels surcoûts pour les productions locales.

3.2.   Les conséquences de l'application d'une taxation différenciée des produits à l'octroi de mer

3.2.1. L’incidence de l’octroi de mer sur les prix des produits bénéficiant d’un différentiel de taxation

Les informations fournies ne permettent pas de se prononcer sur l'impact de l'octroi de mer sur le niveau général des prix des produits qui font l'objet d'une taxation différenciée.

Elles montrent tout de même l’incidence général de l’octroi de mer sur le niveau des prix puisque les RUP françaises qui pratiquent les taux les plus bas (La Réunion) et où le nombre de produits visés est le plus faible (Mayotte) possèdent les écarts de prix les plus faibles avec la métropole.

S’agissant des aménagements apportés par la décision du Conseil du 17 décembre 2014, l’analyse macro-économique des prix, basée sur l’indice des prix à la consommation atteste d’une évolution très limitée des prix sur la période 2014-2016 dans les RUP françaises. L’analyse

montre même une diminution de l’écart de prix avec la métropole dans chacun des RUP françaises par rapport à l’année 2010. Cette évolution témoigne de la préoccupation des pouvoirs locaux à utiliser de manière proportionnée les différentiels de taxation afin de ne pas impacter le pouvoir d’achat des populations locales.

Ces éléments montrent donc que les adaptations récentes de la liste des produits bénéficiant d’un différentiel de taxation ont eu un impact négligeable sur les prix dans les RUP françaises.

3.2.2. L’incidence de l’octroi de mer sur le développement économique dans les RUP françaises

Seules des informations fragmentaires ont pu être obtenues sur l'incidence de la taxation différenciée sur la croissance et sur l'emploi dans chaque secteur considéré et au cours de la période concernée (2014-2017), ces informations n’étant bien souvent pas encore disponibles.

Il est difficile de rapprocher les données sur la croissance, l’emploi et les entreprises de celles des produits bénéficiant d’un différentiel de taxation. En effet, les entreprises des secteurs concernés vendent pour la plupart aussi bien des produits bénéficiant que ne bénéficiant pas de différentiel de taxation.

Toutefois, les effets de l’octroi de mer sur le développement économique sont avérés. Ils concernent d’avantage le maintien de l’emploi plutôt que la création ainsi que le développement et la pérennisation de filières de production locales. L’octroi de mer a ainsi permis, dans les secteurs touchés par la crise comme le secteur du bâtiment et des travaux publics, mais pas seulement, un maintien de l’emploi. Les RUP françaises sont, de par l'étroitesse de leur marché, très fragiles et sensibles aux opérations ponctuelles d'importateurs à des prix très inférieurs aux prix du marché. De plus, compte tenu des surcoûts qu’elles subissent, les possibilités pour les entreprises locales de se tourner vers les marchés à l’exportations sont très limités.

L'Octroi de Mer a également permis de diversifier la production essentiellement dans le secteur agro-alimentaire (condiment café, confitures… en Guadeloupe) et de faire émerger des niches de développement (jus de fruit, croquettes, verres de lunettes … à la Réunion). Il a enfin constitué une aide essentielle aux productions locales de ces régions en permettant la réalisation d’investissements, générateurs de croissance).

Enfin, l’octroi de mer a des effets positifs sur l’activité économique des RUP françaises. En effet, le poids total de l’octroi de mer (recettes + réductions d’impôt bénéficiant aux productions locales) est estimé à 3,3% du PIB en 2016 dans les RUP françaises (entre 2,6% à la Réunion et 5% à Mayotte). En outre, les recettes de l’octroi de mer représentent entre 40 et 50% des recettes des collectivités territoriales des RUP françaises. Une partie de ces recettes est affectée au fonds régional pour le développement et l’emploi (FRPE) qui a pour objet de faciliter l’installation d’entreprises et la création d’emplois dans le secteur productif ou contribuant à la réalisation d’infrastructures nécessaires au développement des entreprises. Cela se traduit par le fait que les productions locales de biens bénéficiant d’un différentiel ont globalement progressé dans la plupart des RUP françaises (à l’exception de la Guadeloupe). Ces productions parviennent globalement à atteindre les mêmes niveaux de performance que les autres productions, malgré une exposition plus élevée aux surcoûts.

Il en résulte que l’octroi de mer a un impact économique non négligeable sur le développement économique des RUP françaises.

3.2.3. L’incidence de l’octroi de

mer sur la balance commerciale

Si le déficit de la balance commercial s’est réduit de 3% dans les RUP françaises, il reste très important. Même si la production locale et les exportations ont progressé d’avantage, les importations hors hydrocarbures ont tout de même connu une augmentation dans l’ensemble des RUP françaises. Ces importations proviennent toujours essentiellement de France et des autres Etats de l’Union européenne (75% à la Réunion, 85% en Martinique, 74% en Guadeloupe et 71% en Guyane en 2016). Les importations des produits en provenance des pays ACP ne sont touchées que marginalement. Du reste, le nombre des produits en provenance de ces pays, pour l'essentiel les produits pétroliers, est limité.

S’agissant plus particulièrement des produits bénéficiant d’un différentiel de taxation, les importations ont continué à augmenter.

Cela démontre que le dispositif de l’octroi de mer ne perturbe pas les échanges extérieurs de ces territoires tout en évitant une potentielle détérioration de la balance commerciale.

3.3. Un dispositif toujours nécessaire et qui reste proportionné

Le régime de l’octroi de mer demeure nécessaire en raison du maintien des conditions ayant justifié la possibilité d’une taxation différentiée pour certains produits et notamment du maintien des surcoûts de production.

La Commission s’est assurée que ces conditions étaient toujours remplies. A cette fin, elle a analysé l’évolution des parts de marché occupées par les produits locaux bénéficiant d'un différentiel de taxation à l'octroi de mer par rapport aux produits importés dans les RUP françaises ainsi que les taux de surcoût renchérissant le prix de revient de la production locale.

S’agissant de l’examen des taux de surcoûts, il s’avère qu’ils se sont globalement aggravés. Ainsi, le taux de surcoût moyen a augmenté en Guadeloupe passant de 26,7% en 2012 à 30,5% en 2015 et en Martinique, passant de 29,7% en 2012 à 32,3% en 2016.

En outre, les RUP françaises n’ont pas surcompensé les surcoûts pesant sur les entreprises locales par l’application de différentiel de taxation. En effet, les différentiels appliqués ne compensent en moyenne que la moitié de ces surcoûts notamment en Martinique (54% en 2016) et en Guadeloupe (40% en 2015)4.

Ce faisant, les surcoûts pesant sur les entreprises locales demeurent et ne sont que partiellement compensés par les différentiels de taxation accordés à certains produits.

L’examen de l’évolution des parts de marché, réalisé à partir des données communiquées en mars 2018 a permis de constater que si la production locale a globalement progressé dans les RUP françaises, les importations ont progressé d’avantage et par conséquent, la part de marché de la production locale par rapport à la consommation totale dans les RUP françaises a plutôt baissé entre 2014 et 2016.

Cette analyse macro-économique masque l'existence de situations très différentes. Il existe des produits pour lesquels, malgré l'existence d'une taxation différenciée à l'octroi de mer, la part de marché prises par les produits locaux demeure faible ou très faible. Pour d'autres, la différence de taxation à l'octroi de mer permet aux produits locaux d'occuper une part de marché plus ou moins égale à celle prise par les produits importés dans les RUP françaises. Ces deux situations sont les plus fréquentes.

4 Le maintien des surcoûts de production pour chacun des produits figurant sur la liste a fait l’objet d’une vérification par sondage

Pour d'autres produits enfin, les indications fournies montrent que les produits locaux faisant l'objet d'une taxation différenciée occupent la quasi-totalité du marché de sorte que la part des produits 'importés' est très faible. Dans cette situation, les produits locaux semblent à première vue être compétitifs vis-à-vis des produits extérieurs aux RUP françaises. Cette situation apparente peut masquer dans certains cas une baisse de la part de marché en volume5. Dans d’autres cas, la taxation différentiée de la production locale peut toutefois se justifier par les importants surcoûts que subissent ces produits qui entrainent d’importantes différences de prix avec les produits importés et qui sont susceptibles de mettre en péril ces industries6. En tout état de cause, il parait difficile, à ce stade, de trancher cette question de manière définitive pour tous les produits concernés alors que les données disponibles pour le rapport portent sur moins de trois années. Cette question devra être examinée en détail dans l'hypothèse où les autorités françaises demanderaient de continuer à pouvoir appliquer une taxation différenciée après décembre 2020.

4. Les aménagements à apporter à la décision du Conseil du 17 décembre 2014

Le dernier alinéa de l'article 3 de la décision du Conseil du 17 décembre 2014 prévoit que le rapport soumis au Conseil par la Commission peut, le cas échéant, être accompagné d'une proposition visant à adapter les dispositions de la décision précitée. Tel est le cas.

Les autorités françaises ont demandé l’adaptation de la liste des produits pouvant faire l'objet d'une taxation différenciée par un courrier en date du 15 mars 2018 pour quatre des RUP françaises concernés : la Guyane, La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe. Une demande complémentaire pour l’introduction d’un nouveau produit a été faite le 26 octobre 2018.

Ces demandes comportent surtout des demandes d’introduction de nouveaux produits sur les listes (50) mais aussi des demandes de reclassement de produits sur une liste permettant un plus grand différentiel de taxation (28) ou d’élargissements de la catégorie des produits visés (7) et quelques demandes de mise à jour des codes (9 produits en Guyane). Cela représente près de 10% des produits figurant dans la liste. Elles visent à rétablir la compétitivité des entreprises en compensant une partie des surcoûts de production qui pèsent sur la production locale.

D’après les informations fournies par les autorités françaises, les produits ainsi visés représentent une production locale déclarée de 225 millions d’euros au titre de l’année 2016 et des importations d’un montant à peu près équivalent de 212 millions d’euros. Les importations de ces produits ont connu une progression sur la période 2014-2016 de près de 5%. Les catégories de produits visés sont très diverses.

Ces demandes sont principalement motivées par une augmentation des importations ou des surcoûts ayant entrainé une baisse de part de marché et par l’émergence de nouvelles productions.

La proposition de la Commission prévoit d’amender la liste des produits pouvant faire l’objet d’une taxation différenciée en retenant les modifications demandées par les autorités françaises qui ont été dument justifiées.

Pour les produits pour lesquels les autorités françaises ont demandé une introduction ou un reclassement sur les listes, la Commission s’est assurée de l’existence d’une production locale, de l’existence d’importations significatives de biens pouvant compromettre le maintien de la production locale et de l’existence de surcoûts renchérissant les prix de revient de la production

5 C’est notamment le cas des yoghourts en Martinique et en Guadeloupe

6 C’est notamment le cas du ciment et de la canne à sucre.

locale par rapport aux biens provenant de l’extérieur et compromettant la compétitivité des produits fabriqués localement.

Concernant les produits locaux occupant la quasi-totalité du marché de sorte que la part des produits 'importés' est très faible, la Commission s’est assurée du risque imminent et grave pesant sur la production locale.

Pour les produits agricoles, les demandes d’introduction ou de reclassement sur les listes sont motivées par la nécessité des producteurs locaux de diversifier leur production afin de mieux faire face aux aléas climatiques.

Les différents aménagements qu'il est proposé d'apporter à la décision du Conseil du 17 décembre 2014 sont détaillés dans la proposition de décision du Conseil accompagnant le présent rapport.

5. Conclusion générale

Les informations fournies par les autorités françaises ne permettent pas d'avoir une vue complète sur l'impact qu'a eu sur la production locale dans les RUP françaises, au niveau économique et social, l'application d'une taxation différenciée à l'octroi de mer des produits locaux par rapport aux produits venant de l'extérieur.

Il peut toutefois être souligné les très nettes améliorations apportées dans le suivi de la mise en œuvre du dispositif et dans la qualité des informations fournies.

Les informations fournies permettent de constater que le régime de taxation différenciée à l'octroi de mer a permis de maintenir, pour la majorité des produits concernés, une production locale capable d'occuper une part plus ou moins grande du marché local. Compte tenu des contraintes que subissent les entreprises locales, il est certain que, sans l'existence de cette taxation différenciée, dans bien des cas l'activité locale de production n'aurait pas pu se maintenir, d'où des conséquences dommageables au niveau économique et social.

Par ailleurs, l’analyse des informations fournies montre que les effets de ce dispositif sur la concurrence et les échanges ainsi que sur les prix sont très limités.

Le dispositif demeure donc nécessaire et proportionné. Il est vital pour maintenir une activité locale de production dans les RUP françaises, où le chômage, notamment des jeunes est le plus élevé d’Europe.

Par ailleurs, certains secteurs étant très fragiles et sensibles à des changements économiques7, il s’avère nécessaire d’adapter, avant la fin de la période couverte par la décision du Conseil de 2014, la liste des produits pouvant bénéficier d’un différentiel de taxation.

7 Effondrement des prix, retournement du marché, opérations ponctuelles d'importateurs à des prix très

inférieurs aux prix du marché

Table des matières

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL RELATIF AU RÉGIME DE L’IMPÔT « OCTROI DE MER » APPLIQUÉ DANS LES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES FRANÇAISES ............................................................................................................................................... 1

1. CONTEXTE ...................................................................................................................................... 1

2. LES ELEMENTS PRINCIPAUX CONTENUS DANS LES RAPPORTS DES AUTORITES FRANCAISES .......................................................................................................... 2

2.1.      Le rapport du 12 février 2018 ............................................................................................................. 2

2.2.      Les rapports spécifiques des RUP françaises ...................................................................................... 3

3. ANALYSE DU DISPOSITIF PAR LA COMMISSION ............................................................... 4

3.1.      Les handicaps des RUP françaises persistent ...................................................................................... 5

3.2.      Les conséquences de l'application d'une taxation différenciée des produits à l'octroi de mer ............ 5

3.2.1.   L’incidence de l’octroi de mer sur les prix des produits bénéficiant d’un différentiel de taxation ............................................................................................................................... 5

3.2.2.   L’incidence de l’octroi de mer sur le développement économique dans les RUP françaises ................................................................................................................................. 6

3.2.3.   L’incidence de l’octroi de mer sur la balance commerciale .................................................... 7

3.3.      Un dispositif toujours nécessaire et qui reste proportionné ................................................................ 7

4. LES AMÉNAGEMENTS À APPORTER À LA DÉCISION DU CONSEIL DU 17 DÉCEMBRE 2014 ............................................................................................................................ 8

5. CONCLUSION GÉNÉRALE .......................................................................................................... 9